1° Ce nom est grec, comme ceux des trois premiers livres du Pentateuque (Voyez la p.15.). La Vulgate nous l’a transmis (Deuteronomium) après l’avoir elle-même emprunté aux Septante : Δευτερονόμιον, de δεύτεροζ νόμοζ, seconde loi, c’est-à-dire loi réitérée. Au reste, il ne fait que traduire l’ancien titre juif Misneh hattôrah (« Répétition de la loi »), qu’avait probablement suggéré le texte même du livre : Mišneh hattôrah hazzôt (Deut. 17, 18. Dans la Vulg. : « Deuteronomiumlegis hujus »). Le nom le plus souvent employé par les Juifs consiste dans les premiers mots du texte hébreu : 'Elleh haddebârim (1,1. Vulg : « Haec sunt verba »); ou, par abréviation: Debârim. Les rabbins se servent encore de cet autre titre : Séfer tokahôt, Livre des reproches.
2° Le contenu et la division. - Le Deutéronome se compose de deux espèces très distinctes de documents. Il nous présente en premier lieu (Chap. 1-30) les trois discours adressés aux Hébreux par Moïse dans les steppes de Moab, vers la fin de la quarantième année qui s’était écoulée depuis la sortie d'Égypte (Cf.1, 1-6); en second lieu (Chap. 31-34), une conclusion historique, qui relate les dernières actions et les dernières paroles du libérateur et du médiateur d’Israël.
Les discours forment la partie principale, et, pour ainsi dire, le corps du livre, qui est par là même divisé en trois parties.
Le premier discours (1, 1-4, 40), précédé d’un court prologue (1, 1-5), sert d’introduction aux deux autres: C’est, d'une part, un magnifique sommaire de tout ce que Dieu avait accompli en faveur des Hébreux depuis l'institution de l’alliance au pied du Sinaï; d’autre part, une exhortation pressante à l’obéissance et à la fidélité.
Le second discours (5, 1-26 , 19) est le plus long et le plus important des trois. Il promulgue de nouveau, en termes très solennels, la loi théocratique, tout en mêlant encore aux détails législatifs de fréquentes exhortations à l’obéissance.
Le troisième discours (27, 1-30, 20), très expressif dans sa brièveté, se rapporte soit à la cérémonie future du renouvellement de l’alliance (Cf. Jos. 8, 30-35), dont il trace les rites, soit aux récompenses ou aux peines qui devaient servir de sanction à la loi.
Le Deutéronome ne contient pas une simple récapitulation des parties législatives de l’Exode, du Lévitique et des Nombres; souvent il abrège et condense, se contentant de renvoyer d’une manière tacite à tels ou tels traits connus de tous; souvent même il omet entièrement certaines catégories de lois, par exemple celles qui concernent les prêtres et les lévites, le sanctuaire, etc. ; souvent aussi il ajoute, ou en fait d’histoire, ou en fait de législation, des données complètement neuves (le commentaire notera les plus intéressantes. Les rationalistes traitent sans raison ces variantes comme des contradictions).
3° Caractère distinctif du Deutéronome. .— Ce livre possède, comme on l'a dit très justement, « une physionomie à part » entre toutes les autres portions du Pentateuque. Sous le rapport de la forme, le genre adopté n’est pas le même: ici, presque uniquement des discours, au lieu des récits historiques ou des séries de lois que nous trouvons ailleurs; ici, un style majestueux élevé comme celui des prophètes, coulant à pleins bords, au lieu de la prose très sobre du narrateur. Sous le rapport du fond: L'association constante de l'exhortation, tour à tour tendre et paternelle, grave et menaçante, toujours pressante et vive, à la répétition des lois; les divins décrets qui avaient été proposés jusque-là d’une manière officielle, sont maintenant commentés par la voix d’un sage prédicateur, d’un ami expérimenté, d’un père aimant.
Et cette différence est toute naturelle. Moïse va bientôt mourir, et les Hébreux sont au seuil de la Terre promise. Trente-huit années se sont écoulées depuis la conclusion de l'alliance auprès du Sinaï, et ceux qui avaient été témoins de ce grand fait ont disparu pour la plupart; les survivants étaient trop jeunes alors pour avoir parfaitement compris la portée d’un tel acte. Or la loi et son accomplissement étaient toutes choses pour la nation théocratique : voilà pourquoi Dieu inspira à son serviteur la pensée de présenter en bloc aux Israélites la collection de leurs devoirs, l’ensemble du code sacré. Mais il était naturel que Moïse prît pour cette promulgation nouvelle un ton spécial, sérieux et cordial tout ensemble, simple et sublime, capable de produire une impression permanente (une étude de ce livre en vue de la prédication pourrait être très fructueuse : la morale ne saurait être mieux prêchée).
Le Deutéronome est donc, parmi les livres du Pentateuque, ce qu’est l’évangile selon saint Jean comparé aux trois premiers. Il a exercé une influence énorme, digne de Moïse: aussi est-il très fréquemment cité par les prophètes (spécialement par Jérémie, qui s’en approprie les pensées et les expressions), et par divers écrivains du Nouveau Testament.
4° L’authenticité de ce beau livre est démontrée: 1° par les paroles de Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même et de ses apôtres qui en attribuent très clairement la composition à Moïse (Comp. Matth. 19, 7-8 et Deut. 24, 7 ; Act. 3, 22; 7, 37 et Deut. 17, 15); 2° par la tradition unanime des anciens Juifs et des chrétiens; 3° par les preuves intrinsèques; notamment: par la couleur locale des moindres traits; par la personnalité de Moïse - son esprit, son cœur, - gravée à chaque ligne; par la parfaite symétrie de l'ensemble, qui exclut la rapsodie dont parlent les interprètes rationalistes (Voy. Vigouroux, les Livres saints et la critique rationaliste, t. 3, pp. 17-25). Quant à la conclusion historique (31-34), Moïse put en écrire lui-même la plus grande partie; Josué ou quelque autre personnage ajouta le dernier chapitre, qui raconte la mort du héros.
5° Commentaires. — Rien de récent à signaler parmi les œuvres catholiques. Les Quaestiones de Théodoret abondent, ici comme pour le reste du Pentateuque, en suggestions heureuses. Interprètes modernes : Bonfrère, Cornelius a Lapide, Cornelius Jansenius, Calmet.